Lancer une pâtisserie sans gluten : le parcours d’Anne
La demande pour la pâtisserie sans gluten existe, mais elle est encore aujourd’hui très peu présente dans les pâtisseries traditionnelles. Intolérants, malades cœliaques(1), diabétiques(2) ou simples consommateurs en quête d’alternatives sans gluten recherchent des desserts qui allient plaisir et sécurité alimentaire. Pourtant, l’offre reste limitée : on peut trouver parfois quelques produits isolés dans des vitrines traditionnelles, mais ils sont rarement fabriqués dans des environnements totalement exempts de farine de blé.
C’est de ce constat qu’est né Delienn, un laboratoire 100 % sans gluten situé dans le Finistère, et fondé par Anne Péron Tanguy. Après 25 ans de carrière dans la banque, elle a choisi de se reconvertir et de mettre son énergie au service d’une nouvelle mission : proposer des pâtisseries gluten-free gourmandes, créatives, éthiques et adaptées aux contraintes de santé.

1. De la banque à la pâtisserie : une reconversion inspirante
Avant de se lancer dans l’aventure de la pâtisserie sans gluten, Anne a travaillé pendant 25 ans dans le secteur bancaire. Cadre expérimentée, elle a développé de multiples compétences au cours de sa carrière telles que la gestion de projet, le management et la formation. Mais à 47 ans, elle ressent le besoin d’ouvrir une nouvelle page professionnelle :
“Je ne partais pas fâchée, ni en burn-out. Simplement aujourd’hui, le secteur bancaire est un modèle qui se cherche entre agence de proximité et numérique, et on peut avoir du mal à trouver sa place. Je m’y suis plu pendant 25 ans, j’y ai beaucoup appris, mais j’avais envie de construire autre chose. “
Un bilan de compétences confirme son envie de reconversion. C’est un moteur familial qui oriente son projet : l’hypersensibilité au gluten de sa fille. À la maison, Anne avait pris l’habitude d’adapter et d’inventer des recettes pour répondre à ce besoin.
Elle choisit alors de se former au métier de pâtissier, en candidat libre, et obtient son CAP après un an de cours théoriques, de stages pratiques et d’un travail personnel intensif. Elle fait le constat qu’il existe un vrai vide sur le marché :
“Il y a quelques pâtisseries traditionnelles qui proposent deux ou trois produits sans gluten. Mais ils sont fabriqués dans des environnements remplis de farine volatile, donc pas du tout adaptés aux personnes malades.”
De ce constat naît Delienn, un laboratoire de production pâtissière 100 % sans gluten, pensé dès le départ pour garantir la sécurité alimentaire.
2. Pourquoi créer une pâtisserie sans gluten aujourd’hui ?

Ouvrir une pâtisserie sans gluten n’est pas seulement un choix personnel, c’est aussi une réponse à un manque d’offres sur le marché pour les personnes concernées. On estime qu’entre 5 et 10 % de la population française est directement concernée par l’intolérance au gluten ou par des pathologies comme la maladie cœliaque (seuls 10 à 20 % des cas seraient aujourd’hui diagnostiqués). Rien que sur le Nord du département du Finistère, cela représente environ 35 000 personnes.
À cela s’ajoutent les personnes diabétiques et celles qui cherchent une alimentation à indice glycémique bas (IG bas). Ensemble, elles forment une communauté de consommateurs qui peine à trouver une offre adaptée.
Dans les boulangeries et pâtisseries traditionnelles, on trouve parfois quelques pâtisseries “gluten-free”. Mais leur fabrication se fait dans des environnements partagés où la farine de blé est omniprésente. Pour les malades cœliaques, cette contamination croisée rend ces produits inaccessibles.
“Les personnes cœliaques n’entrent même pas dans une boulangerie classique. Elles savent qu’elles n’y trouveront rien de sûr”, explique Anne.
C’est ce constat qui a motivé la création de Delienn : un laboratoire pensé dès le départ pour garantir un environnement sans aucune trace de gluten. Une offre inédite dans le Finistère, et encore rare en France.
Au-delà de la santé, la pâtisserie sans gluten répond aussi à une tendance de fond : la recherche d’une alimentation plus saine. Moins de sucres raffinés, plus de farines variées et locales, des recettes adaptées aux régimes spécifiques… Le marché s’élargit et certains consommateurs ne veulent plus sacrifier la gourmandise au profit de la santé.
Anne a choisi de se positionner exactement à cet endroit : proposer des desserts éthiques, gourmands et créatifs, capables de séduire aussi bien les personnes intolérantes au gluten que celles qui veulent simplement mieux manger.
3. Les défis techniques de la pâtisserie sans gluten
Créer une pâtisserie sans gluten demande bien plus que de remplacer la farine de blé par une alternative. Chaque ingrédient a son rôle et chaque farine réagit différemment selon l’hydratation, la cuisson ou la conservation. Pour Anne, la mise au point des recettes a représenté des mois d’expérimentation, d’essais, d’ajustements et la recherche de fournisseurs fiables.
Trouver les bonnes farines

L’une des premières étapes a été de sélectionner des farines sûres, garanties sans traces de gluten. Pour cela, Anne s’appuie sur des fournisseurs certifiés par l’AFDIAG (Association Française des Intolérants au Gluten) qui bénéficient du label “Épi barré” : il garantit l’absence totale de gluten dans le produit contenu.
Pour élaborer ses gâteaux, elle utilise une grande variété de farines :
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le sorgho, céréale d’avenir cultivée en France, peu coûteuse et sobre en eau, qui lui fait souvent office de base
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le sarrasin, emblématique de la Bretagne,
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des farines avec plus de goût comme la farine de châtaigne ou d’amande
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ou encore la farine de riz ou de maïs.
Chaque recette combine souvent plusieurs farines pour trouver le bon équilibre entre tenue, souplesse et saveur.
Réinventer le sucre
Un autre défi qu’a intégré Anne réside dans la gestion du sucre. Son objectif : réduire l’addiction au sucre et proposer des desserts adaptés aux pâtisseries à IG bas, consommables par les diabétiques.
Anne privilégie des sucres non raffinés comme le sucre de fleur de coco, le sirop d’agave, le miel ou encore le sucre de raisin. Leur pouvoir sucrant bien supérieur permet de diminuer les quantités de façon importante, tout en révélant d’autres saveurs.
“Mes pâtisseries sont 20 à 30 % moins sucrées qu’un produit traditionnel, pour que les arômes des fruits, du cacao ou de la vanille puissent vraiment s’exprimer”, explique-t-elle.
Des textures difficiles à maîtriser
Certaines préparations, comme les pâtes levées (type brioche) ou les pâtes feuilletées, ne peuvent pas être recréées à l’identique sans gluten. Quant à la pâte à choux, elle lui a demandé de nombreux essais avant de trouver la bonne composition.
“Sur une pâte à choux traditionnelle, il y a peu de surprises : la recette fonctionne presque toujours. Avec les farines sans gluten, chaque mélange a besoin d’une hydratation différente, et il faut trouver le bon équilibre à chaque fois.”
Pour certaines recettes complexes à transposer, Anne a fait le choix de privilégier d’autres créations gourmandes plutôt que de livrer des versions décevantes.
Tester, ajuster, sécuriser
Au-delà de la réussite gustative, chaque produit doit aussi être stable dans le temps. Les tests de conservation et de texture sont indispensables pour assurer que les pâtisseries tiennent jusqu’à la dégustation.
Exigeante et plus lente à développer, la pâtisserie sans gluten oblige à expérimenter et à se remettre en question à chaque recette. Mais c’est aussi ce qui en fait un formidable terrain de créativité.
4. Une offre gourmande et innovante
La mission d’Anne est claire : prouver que la pâtisserie sans gluten peut être aussi savoureuse et raffinée que la pâtisserie traditionnelle. Pour son lancement, elle a imaginé une carte volontairement restreinte mais cohérente, en parfait accord avec ses valeurs et son intention.
Une carte courte mais créative
Le laboratoire Delienn propose une sélection de 6 recettes fixes : 5 créations saisonnières et une « sélection du moment » inspirée des fruits de saison ou des grandes occasions calendaires (Noël, fête des mères ou des pères, Pâques…). Ainsi, les gourmands peuvent déguster une tarte aux mirabelles à la fin de l’été, une galette revisitée en janvier ou des bûches sans gluten à Noël.
Des entremets travaillés

Parmi ses recettes on trouve par exemple pour cet automne :
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le Delienn d’automne, un entremets aux saveurs de saison avec insert crème de marron et vanille
ℹ️ Cf photo ci-dessus : montage réalisé dans le moule entremets Petit "rond bord arrondi Ø 200 H45 -
un entremets tout chocolat, pensé pour les amateurs de cacao,
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la tarte “Sarah’zine”, hommage au sarrasin breton et un clin d’oeil au prénom de sa fille Sarah, composée d’un sablé sarrasin, d’un palet tatin caramélisé et du sirop de vanille,
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un Paris-Brest revisité sans gluten,
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une tarte pistache - fleur d’oranger
Chaque dessert intègre une diversité de farines alternatives et des sucres à IG bas.
“Delienn signifie "feuille" en langue bretonne : la légèreté, le respect de la nature et des saisons... c'est le programme que je propose.”
Des macarons adaptés aux diabétiques
Anne a également choisi de proposer une gamme de macarons sans gluten, réalisés intégralement maison (coques et ganaches). L’enjeu est de réduire l’impact glycémique sans dénaturer la gourmandise.
“Un macaron reste un produit sucré, mais en travaillant l’équilibre entre la coque et la ganache, on peut obtenir une version plus acceptable pour un diabétique”, souligne-t-elle.
5. Un modèle économique ficelé
Au-delà des recettes, réussir une pâtisserie sans gluten implique de trouver un modèle viable, capable d’absorber le coût élevé des matières premières et de répondre à une clientèle de niche.
Anne a choisi une approche pragmatique et durable, adaptée à son objectif : exercer avec plaisir et stabilité, sans viser une croissance démesurée.
Son expérience dans le secteur bancaire a été décisive et lui a permis d’appréhender l’ensemble du projet de façon réfléchie “après avoir rempli de nombreux tableurs Excel”.

Une pâtisserie à taille humaine
Anne travaille seule et n’envisage pas de recruter des salariés. Aussi, sa carte volontairement limitée permet de garantir une constance dans ses créations et le respect d’un cahier des charges qu’elle maîtrise de bout en bout. Pas de surproduction, pas de produits hors-saison, “pas de fruits rouges dans les bûches de Noël”, mais une offre claire et engageante qui peut séduire autant les personnes concernées par le gluten que les amateurs curieux.
Un laboratoire à domicile
Plutôt qu’ouvrir une boutique physique, elle a choisi d’investir dans la création d’un laboratoire professionnel directement attenant à son domicile. Cette décision réduit considérablement les charges fixes et impacte moins son prix de revient ; cela simplifie également la logistique, tout en garantissant un environnement maîtrisé et sécurisé contre les contaminations au gluten.
La vente en ligne et les points de retrait
Le modèle repose sur une boutique en ligne, avec commande et paiement à distance.
Les clients peuvent ensuite retirer leurs gâteaux soit directement au laboratoire, soit dans des commerces partenaires sélectionnés pour leurs valeurs (primeurs, magasins bio, circuits courts, magasins de producteurs) et leur localisation géographique, c’est à dire une grande partie du Nord du département du Finistère.
Cette stratégie permet de toucher une clientèle plus large que celle d’un simple quartier, indispensable dans un marché où seulement 5 à 10 % des consommateurs sont directement concernés.
Des fournisseurs rigoureusement choisis
Pour garantir la sécurité sanitaire et la qualité, Anne collabore avec des fournisseurs spécialisés et certifiés, comme Alisa Bio pour les farines agréées AFDIAG. Les sucres (raisin, coco, agave) proviennent de grossistes bio, et les produits frais (lait, œufs, fruits) sont achetés essentiellement auprès de producteurs locaux, en vente directe ou en circuit court de préférence. Elle privilégie les produits bio mais peut aussi s’approvisionner auprès de la grande distribution pour certains produits.
“Dans la mesure du possible, mes achats sont raisonnés. Je ne vais pas acheter des produits bio provenant de l’autre bout du monde. Mais par exemple le cacao, j’aurais du mal à en avoir dans mon jardin, donc je privilégie les sources équitables, et les producteurs qui respectent à la fois la terre et les hommes.”
Cette approche exigeante limite les marges de manœuvre sur les prix, mais elle renforce la crédibilité et la confiance des clients.
Réduction des coûts et lutte contre le gaspillage
Un autre levier majeur d’optimisation est l’utilisation de matériel adapté. Anne a par exemple choisi les moules PETIT pour monter ses entremets et inserts :
“En stage, j’ai constaté que l’on préparait des inserts ronds sur une plaque rectangulaire, ce qui revient à jeter la moitié de la matière après découpe. Avec des moules inserts adaptés, j’utilise exactement la bonne quantité pour réaliser mon entremets, sans perte.”
Cette logique, appliquée aussi bien aux ingrédients qu’à la production, lui permet de limiter le gaspillage et de mieux maîtriser ses coûts, malgré des matières premières plus chères.
6. Sécurité, hygiène et crédibilité
Dans une pâtisserie sans gluten, la confiance repose avant tout sur la garantie de l’absence totale de contamination croisée. C’est un enjeu sanitaire essentiel : pour les personnes atteintes de maladie cœliaque, une simple trace de farine peut provoquer de graves réactions (1) .

Un environnement 100 % sans gluten
Anne a fait le choix radical de travailler uniquement dans un laboratoire où aucun gramme de blé ni autre céréale contenant du gluten n’entre jamais. Cette exigence permet d’apporter une sécurité maximale aux clients.
“Je n’ai pas besoin de me battre contre les traces de gluten : il n’y en a tout simplement pas dans mon atelier”, précise-t-elle.
Respect des normes d’hygiène
Comme toute entreprise alimentaire, Delienn est soumis aux règles sanitaires et au respect de la méthode HACCP. Contrôles des autorités, traçabilité des matières premières et règles de conservation font partie intégrante du quotidien du laboratoire.
Labels et certifications : entre contraintes et crédibilité
Si l’AFDIAG délivre un label reconnu pour les produits certifiés, Anne choisit pour l’instant de ne pas se lancer dans ce processus. Chaque certification nécessite de valider recette par recette, ce qui freinerait la créativité et le renouvellement de sa carte.
Elle envisage toutefois, à moyen terme, de mettre en place des contrôles indépendants de son laboratoire afin de garantir l’absence de gluten et renforcer la confiance de sa clientèle.
La transparence comme valeur clé
En attendant, sa démarche repose sur la transparence totale : communication claire sur les ingrédients, choix de fournisseurs certifiés, et un discours direct avec les clients. Cette honnêteté contribue à installer une relation de confiance, indispensable dans ce secteur sensible.
Un projet qui suscite immédiatement l’adhésion
Chaque fois qu’Anne ou son entourage parle de son entreprise et de son projet, elle constate le même phénomène : ses interlocuteurs sont aussitôt emballés par l’idée. Qu’il s’agisse de proches, de commerçants partenaires ou même de professionnels de santé, tous trouvent un lien personnel avec cette démarche.
“À chaque fois, quelqu’un nous dit : ma sœur est intolérante, mon voisin est diabétique, ou moi-même je dois suivre un régime sans gluten.”
Cette réaction spontanée illustre la réalité : 5 à 10 % de la population française est concernée directement par le gluten ou par la gestion de la glycémie. Le projet Delienn trouve donc un écho immédiat, car il répond à un besoin concret et largement partagé.
Ainsi, en combinant une offre créative, des ingrédients certifiés, un modèle économique réfléchi et une démarche engagée, Anne apporte une réponse attendue par de nombreux consommateurs : des desserts à la fois gourmands, sûrs et respectueux de la santé.
Si ce marché reste un secteur de niche de la pâtisserie traditionnelle, il répond au besoin de consommateurs soucieux de leur santé en apportant une offre adaptée à leur pathologie ou à leurs envies.
Gageons qu’Anne réussisse son pari et séduise de nouveaux partenaires proches de chez elle pour faire connaître son offre et régaler les gourmands bretons ;) ! Nous lui souhaitons une belle réussite et de continuer à prendre du plaisir avec cette nouvelle activité.
Un grand merci à Anne pour notre échange !
Pour suivre l’actualité de Delienn :
RDV sur https://delienn.com/ ou sur les réseaux sociaux :
EN SAVOIR +(1) Sécurité alimentaire : l’importance du “zéro gluten” pour les intolérants et malades coeliaquesChez une personne atteinte de maladie cœliaque, le gluten déclenche une réaction auto-immune qui détruit progressivement les villosités de l’intestin grêle. Ces structures sont essentielles à l’absorption des nutriments. Selon l’Association Française des Intolérants au Gluten (AFDIAG), une contamination infime peut suffire : 10 mg de gluten par jour — soit l’équivalent de quelques miettes de pain — peut déclencher une réaction inflammatoire et endommager la muqueuse intestinale (AFDIAG). Les conséquences sont multiples :
Ces symptômes peuvent survenir immédiatement après l’ingestion ou rester silencieux tout en abîmant la paroi intestinale. C’est pourquoi pour les cœliaques, la seule thérapie efficace reste un régime strictement sans gluten, sans risque de contamination croisée. (2) Pourquoi un régime à IG bas est essentiel pour les diabétiquesChez les personnes diabétiques, le défi n’est pas le gluten mais la gestion du sucre et de son impact sur la glycémie. Chaque aliment possède un indice glycémique (IG), qui mesure sa capacité à faire grimper rapidement le taux de sucre dans le sang. Un aliment à IG élevé (pain blanc, sucre raffiné, pâtisseries classiques) provoque une hyperglycémie rapide, suivie d’une chute brutale, ce qui fatigue l’organisme et complique la gestion du diabète. À l’inverse, les aliments à IG bas libèrent le sucre de manière progressive, limitant les pics glycémiques et aidant à stabiliser la glycémie (Inserm, Diabète France). Adapter la pâtisserie à un régime IG bas consiste à :
Les bénéfices sont clairs : moins de variations brutales de glycémie, une meilleure satiété et une prévention des complications à long terme liées au diabète (neuropathies, maladies cardiovasculaires). En intégrant ces principes, la pâtisserie IG bas permet aux diabétiques de retrouver le plaisir du dessert, sans mettre leur santé en danger. |